Préparation d’un banquet ou simple repas entre amis ?
J’aurais quand même préféré que maman me parle plus tôt de cette soirée avec les parents de Aya et Sophie. J’aurais pû mieux me préparer pour les recevoir comme il se doit.
Rina rêvasse en traversant les allées animées du ryôkan en direction du Pavillon d’or, la plus belle et luxueuse suite de toute l’auberge.
Imaginez donc, une magnifique dépendance isolée avec bain à ciel ouvert, terrasse avec vue sur la mer, sauna privatisé et service haut de gamme… le rêve.
“Hum, il faut que je réfléchisse aussi à une tenue pour ce soir, décontractée ou formelle ? J’aurais dû demander à maman quel genre de soirée elle comptait faire…”
Une main vient doucement se poser sur l’épaule de Rina et une voix suave au creux de son oreille l’interpelle.
“Mets la tenue qu’il te plaira Rina, c’est aussi pour toi que j’organise cette petite soirée.”
*Frissons intenses*
Elle se retourne en sursautant et regarde avec des grands yeux écarquillés derrière elle.
“Qu- !”
“C’est une mauvaise habitude que tu as là de ne plus regarder autour de toi quand tu rêvasses. Il va falloir remédier à celà.”
“Ma… Maman ?”
“C’est bien que tu sois rentré suffisamment tôt, tu vas pouvoir nous aider à finir quelques petits préparatifs.”
“Ne me fais pas peur comme ça, j’ai cru que j’allais avoir une attaque… Je pensais que tu serais au Pavillon.”
“J’y étais, je suis juste venue voir comment se porte ton père. Enfin, surtout voir s’il fait bien son travail, ufufu.”
“Ah, il est encore dans le hall d’entrée avec sa serpillère. Il était abattu quand je suis arrivé.”
« À défaut de le faire à la maison, il le fait au moins sur son lieu de travail. Dommage que ce soit sous la contrainte…”
Une employée de l’auberge vient se présenter confuse devant Rina et sa mère.
“Excusez-moi de vous déranger Shimizu-san, j’ai un petit problème avec un client? Je sais que vous êtes occupés ce soir mais pourriez-vous venir m’aider, le cas est un peu particulier…”
“Voilà qui tombe bien, ma fille va prendre le relais donc je suis disponible dès maintenant, je vous suis.”
Ni une ni deux, Elsa en profite pour s’éclipser.
“Mais ?! Et la soirée ?”
“J’en aurais pas pour longtemps, je reviendrai évidemment tout à l’heure. Pierre est en train de terminer les préparatifs pour le repas de ce soir, va donc l’aider à finir. Il est au Pavillon en ce moment.”
« Je ne sais même pas ce que tu veux faire.”
“Débrouille toi ma puce.”
Fuire ses responsabilités ? Non, ce n’est pas le genre d’Elsa. Mettre sa fille dans une situation inattendue et stressante pour voir comment elle se débrouille et en profiter pour qu’elle gagne en maturité ? Oui, on est plus dans ces tons là.
En attendant, Rina se retrouve seule, laissée en plan par sa mère.
“Elle me fait toujours terminer ses corvées, elle ne voit donc pas que je reviens d’une première journée de cours éprouvante ?”
Désemparée mais tout de même dans l’obligation de faire ce qu’elle lui a dit (parce que les mamans ont ce pouvoir là), Rina reprend son chemin vers le Pavillon.
Rémy-san est déjà sur place donc… J’espère que c’est lui qui va préparer le repas pour ce soir. Il n’a pas volé son statut de chef étoilé français. Seuls ses cookies dépassent ceux de maman et ça, ce n’est pas rien.
Attention à ne pas baver Rina, ce n’est pas très élégant pour une jeune fille.
…
Le Pavillon a été aménagé spécialement pour la soirée, il faut bien pouvoir accueillir convenablement les invités à la table du chef Pierre Rémy.
D’ailleurs en parlant de lui.
“Oye, Rémy-san.”
Le chef se retourne en entendant la voix de la fille de ses patrons.
Il s’agit d’un homme d’une quarantaine d’années, assez grand avec des yeux bleus aussi froid que réconfortant.
“Ah Rina, justement je t’attendais. Elsa m’a dit que tu allais nous rejoindre assez tôt, c’est parfait que tu sois là maintenant.”
“Elle a réussi à s’esquiver tout à l’heure et maintenant je dois venir finir son travail à sa place. Heureusement qu’elle a une fille aussi compétente et compréhensive que moi, hahaha.”
“Elle arrivera toujours à t’avoir, tu ne peux rien faire contre ça. C’est le pouvoir unique des mamans.”
Hey, c’est ce que j’ai dit tout à l’heure ! Toi, on va pas être copain si tu commences à prendre mes répliques comme ça, je vais faire valoir mes droits d’auteur…
“Du coup Rémy-san, qu’est-ce que je peux faire pour t’aider ?”
“Et bien, il me reste à préparer les boissons et à dresser les amuses bouches pour l’apéritif.”
“L’apéri… Le quoi ?”
“L’apéritif, c’est le terme qu’on utilise en France pour désigner les petits hors d’œuvre et les boissons que l’on sert avant de prendre un repas.”
“Encore un truc très élaboré de la cuisine française.”
“Haha, élaboré je ne dirais pas ça. À la base, il s’agit simplement de l’appellation d’une boisson alcoolisée que l’on prend avant un repas. Mais de nos jours, c’est plus communément employé pour parler d’une sorte de “pré-repas” populaire. D’ailleurs les français utilisent souvent des petites bouchées salées comme des chips ou encore de la charcuterie en tant qu’apéritif.”
“Et c’est ça qu’on va avoir pour ce soir ?”
“Non, cette soirée doit être mémorable pour toi et tes parents. Je vous ai concocté des apéritifs plus élaborés et digestes.”
“Dommage, j’aurais bien voulu y goûter quand même…”
“La prochaine occasion, je te ramènerai de quoi faire un apéritif typique français.”
“Yes, j’ai hâte.”
“Sur ce, il nous reste encore du pain sur la planche, alors au boulot !”
“Yes, sir !”
Rina et Pierre s’attèlent à leurs derniers préparatifs tranquillement avant la fin de l’après-midi.
Petites leçons de cuisine improvisées de la part du grand chef Rémy au passage.
Dès qu’il s’agit de nourriture, Rina est tout de suite beaucoup plus intéressée et enthousiaste.
“Je peux voir le menu pour ce soir Rémy-san ?”
“Bien sûr. Tiens regarde, je l’ai imprimé.”
Elle lit consciencieusement le menu conçu spécialement pour ce soir par Pierre.
“Hors d’œuvre… Salade… Soupe… Poisson… Viande… Plat principal… Dessert… Boissons…”
“Alors ? J’espère que cela te met en appétit ? J’y ai mis tout mon coeur.”
“Euh… Comment dire… Je ressens effectivement une envie insatiable de manger vos plats mais… ça fait pas beaucoup ?”
“Pour un simple repas entre amis, j’ai pourtant pensé à une version simplifiée d’un vrai repas gastronomique complet.”
“C’est plus qu’un simple repas à ce niveau là, c’est un banquet de roi !”
“Je vais prendre ça pour un compliment, par contre je vais devoir te donner encore quelques cours sur la culture culinaire.”
“En tout cas, maintenant j’ai faim.”
“Et c’est le plus important pour moi.”